Le couple à trois : ouvrir le lien, ouvrir les possibles.
- psyncoenligne@gmail.com
- 22 mai
- 3 min de lecture

Et s’il existait des amours qui ne rentrent pas dans les cases ?
Et si l’amour, au lieu d’être un duel, devenait un triangle — vivant, mouvant, audacieux ?
Le couple à trois — qu’il soit fantasme, dérive ou construction assumée — vient bousculer nos repères. Il soulève des questions intimes : Peut-on aimer deux personnes à la fois ?
Et si oui, que fait-on de cet amour ?
Faut-il choisir ?
Faut-il taire ?
Ou oser autre chose ?
Ce texte n’est ni un plaidoyer ni un avertissement. Il est une invitation à penser, à ressentir, à comprendre.
Quand deux ne suffisent plus
Il arrive qu’un couple, pourtant solide, ressente l’appel d’un ailleurs.Parfois, une rencontre réveille un désir longtemps mis de côté.Parfois, c’est un besoin d’oxygène, d’authenticité, ou de redécouverte.
Mais souvent, faire entrer une troisième personne dans la relation est moins un choix qu’un glissement subtil. On ne “décide” pas toujours. On ressent. Et ce ressenti, s’il est nié, devient conflit. S’il est exploré avec clarté, il peut devenir une voie.
La triade peut naître du chaos ou d’un consentement lucide. Dans tous les cas, elle transforme le lien : on ne parle plus ici de couple, mais de système relationnel, avec ses règles, ses tensions, ses réinventions.
Le triangle : entre lien vivant et fragilité structurelle
À trois, tout change :
La place que l’on occupe.
Le regard que l’on reçoit.
Le silence que l’on accepte.
Le triangle, s’il n’est pas conscient, peut cristalliser des tensions : rivalité, exclusion, sentiment d’être “en trop”. Mais bien construit, il devient un espace où chacun peut se sentir vu, choisi, respecté.
Ce n’est pas la multiplicité qui blesse. C’est l’opacité.Ce n’est pas l’audace du lien qui fait souffrir. C’est le non-dit.
Et si l’harmonie à trois était possible ?
Certaines personnes, certains foyers, certaines histoires montrent que vivre à trois est non seulement possible, mais parfois profondément nourrissant.
Des exemples ?
Une femme, deux hommes, deux enfants : chacun père d’un enfant, tous engagés dans une parentalité fluide, cohabitée, choisie.
Trois hommes partageant leur vie sans hiérarchie, dans une écoute constante des rythmes de chacun.
Deux femmes et un homme élevant ensemble une fille conçue avec amour, dans une alliance affective et éducative assumée.
Leur point commun : la clarté émotionnelle, la liberté des formes, et une parole vivante.Ce ne sont pas des histoires “modèles”, mais des histoires incarnées.

Ce que dit la psychanalyse : désir, triangulation et vérité
Le triangle amoureux réveille nos premières structures psychiques.Dans le roman de l’enfant, il y a toujours trois rôles : celui qu’on aime, celui qu’on observe, celui qu’on voudrait être.On désire l’un, on exclut l’autre, on veut tout — sans avoir à choisir.
Adulte, ces fantasmes peuvent se rejouer dans le lien :
être l’unique aimé.e,
contourner l’angoisse de l’intimité,
fuir la fusion en se divisant entre deux liens.
Le danger ? Le clivage. On donne à l’un ce qu’on n’ose pas donner à l’autre. On vit en fractionné.Le travail thérapeutique permet de réunifier, de nommer, de reconnaître les peurs derrière la multiplicité.
Les zones d’ombre
Même les liens les plus sincères peuvent vaciller :
Lorsque l’un se sent “second choix”.
Lorsque le triangle se fige : deux se rapprochent, un s’efface.
Lorsque la rupture d’un lien affecte la stabilité de l’ensemble.
Lorsque la charge mentale devient trop lourde à trois.
Et surtout : lorsque le cadre n’est pas posé. Un triangle sans limites devient un chaos affectif.
Outils pour une relation à trois équilibrée
Quelques repères concrets, issus de l’expérience thérapeutique :
Clarifier les attentes : tout ce qui n’est pas dit devient un piège.
Instaurer des temps de parole rituels : poser, déposer, écouter sans couper.
Accepter les jalousies, mais les travailler. Ne pas les nier.
Préserver l’individuation : à trois, l’espace personnel est vital.
Savoir que rien n’est figé : une relation à trois évolue, se transforme. Elle doit être réinventée au fil du temps.
Conclusion : l’amour, au-delà des formes
Aimer à trois, ce n’est ni plus facile, ni plus complexe qu’à deux.C’est différent. C’est un autre alphabet. Un autre souffle.
Ce lien demande courage, présence, lucidité, engagement.Il révèle nos failles, mais aussi nos forces.Il oblige à dire vrai. À être là. À se choisir, sans se posséder.
Et peut-être est-ce cela, au fond, le véritable enjeu :Non pas aimer plus… mais aimer mieux.
Berrine Janssoone
Psychanalyste – Thérapeute de couple – Spécialiste des liens complexes et des configurations atypiques - Thérapies individuelles, conjugales ou triadiques - Approche intégrative : médiation, sexualité, attachement
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